par Sinemurien
retool par QCTX
Ceci est une fanfic basé sur les personnages d'Evangelion qui sont la propriété du studio GAINAX.
Les pensées des personnages sont placées en italique.
Quelque part à l'autre bout du monde, dans un bâtiment oublié de tous, sauf des hommes que l'on retient ici, la porte d'une geôle sombre et humide s'ouvre avec un grincement sinistre.
Deux gardes, l'air sévère, ramènent à ses quartiers le corps d'un individu maintenant trop faible pour soutenir son propre poids. C'est d'un geste brusque qu'ils poussent celui-ci dans sa cellule comme on abandonnerait un paquet de linge sale, avant de refermer la porte.
Sur le sol froid, la forme humaine gémit en se pelotonnant sur elle-même. Sur son corps de nombreuses blessures trahissent le traitement auquel il a été soumis.
La police secrète n'avait pas vraiment été tendre, les gardes de la prison moins encore et cela durait depuis plusieurs semaines maintenant. C'était le prix à payer pour son 'crime'.
Pourtant, quand il songeait aux raisons qui l'avaient conduit jusqu’ici, l'expression qui se dessinait sur son visage ressemblait encore trop à un sourire. Non, il ne regrettait rien.
Cependant, il était las à présent.
A quoi bon penser aux lendemains si ceux-ci ne sont que des promesses de nouvelles souffrances ?
Non, tout ce qu'il souhaitait dorénavant c'était se reposer et dormir, ne plus penser à sa douleur, à ce que serait demain, à ce soudain courant d'air froid qui l'environnait.
Trop froid en fait.
L'homme ouvre douloureusement les yeux.
Debout devant lui se tient la silhouette vaporeuse d'une jeune fille aux cheveux bleus qui le regarde fixement de ses yeux de saphirs.
Dans d'autres circonstances, il se serait sans doute interrogé sur l'incongruité d'une telle situation, mais il est désormais trop éreinté pour réagir.
*Quel étrange regard*
Ce n'est pas de la curiosité, encore moins de la pitié, non c'est autre chose… Comme une faim inassouvie.
Il en ressent à la fois un profond malaise et un profond apaisement. Inconsciemment, il sait ce qui va se produire. Il sait qu'elle est venue pour lui, il sait ce qui va se passer s'il se laisse faire.
Pourquoi lutter ?
Pour de nouvelles tortures inutiles ? Pour de nouvelles souffrances ?
La créature aux cheveux bleus s'approche doucement de lui, s'agenouillant pour toucher son visage.
Alors, l'homme ferme les yeux et attend calmement la fin inéluctable.
Et les secondes s'égrènent...
À la fois effrayantes et remplies d'un espoir salvateur.
Mais rien ne se produit.
L'homme ouvre de nouveau les yeux sur la situation.
La jeune fille aux cheveux bleus est toujours là, sa main suspendue à quelques centimètres de son visage.
Pourtant, ce n'est pas ce qui l'intrigue le plus. Non, ce qui l'étonne, c'est cette étrange expression qui vient d'apparaître sur ce visage auparavant dépourvu de toute émotion.
Un mélange de surprise et d'anxiété à la fois.
Doucement, la créature se relève, comme à regret, comme si son corps n'obéissait plus vraiment à sa volonté.
Puis répondant à on ne sait quel appel silencieux, elle disparaît dans un tourbillon de volutes éphémères.
Sur le sol de la prison, l'homme frissonne de froid et d'appréhension.
Inconsciemment, il sait que quelque chose de terrible vient de se produire.
"MAIS QU'EST-CE QUI SE PASSE ?"
Dans le QG du Central Dogma, l'effervescence est de mise, tous les signaux d'alerte se sont soudainement déclenchés prenant le personnel au dépourvu.
Sur le pont, les trois opérateurs de la NERV consultent avec fébrilité les dernières données analysées par Magi.
Shigeru : "Une poussée d'énergie a été détectée dans la banlieue de Tokyo-3."
Misato : "Qu'est ce que c'est ?"
Maya : "Magi analyse les données... longueur d'onde bleue détectée... c'est bien un Ange."
Misato : "Il a bien choisi son moment pour apparaître lui, aucun des pilotes n’est joignable. Pourquoi diable ne l'avons-nous pas détecté avant ? Ils dorment à la station d'observation ou quoi ?"
Makoto : "Sa longueur d'onde varie de façon cyclique, il a peut-être dissimulé sa nature en approchant ?"
Misato : "Génial ! Bien, où est-il apparu précisément ?"
Shigeru : "À sept kilomètres au nord-est de notre position, juste au-dessus du cimetière."
Misato : "Des images ?"
Maya : "Négatif, la tempête de neige empêche toute visualisation, nous n'aurons une image nette de lui que lorsqu'il sera sur nous."
Misato : "Des nouvelles de l'équipe chargée de ramener Shinji et Asuka ?"
Maya : "Non, toujours aucune nouvelle."
Misato : "Bon sang, ce n'est pas le moment de traîner. Peut-on au moins essayer de le ralentir ?"
Shigeru : "Pas tant que la ville ne se sera pas mise en situation de défense et que les civils ne seront pas tous en sécurité."
Misato : "Combien de temps pour effectuer la procédure d'évacuation rapide ?"
Shigeru : "Un peu moins de six minutes."
Misato : "Et l'Ange sera sur nous dans... ?"
Shigeru : "D’après sa vitesse et sa direction, environ trois minutes."
Sur la passerelle de commandement, le regard des trois opérateurs converge vers le chef des opérations tactiques de la Nerv, attendant avec anxiété les prochaines directives, mais son silence ne fait que rendre l’appel des sirènes plus menaçant encore.
Un cri.
Un cri de désespoir et d’impuissance. C’est la seule réaction dont avait été capable Shinji face à la scène qui se déroulait devant ces yeux.
Un cri qui cependant avait réussi à rompre le sortilège qui le tenait enchaîné au regard de la créature et c’est d’un geste rapide, presque un réflexe, qu’il rattrape le corps vacillant d’Asuka, avant que le poids de celui-ci ne l’entraîne à son tour vers le sol.
Les deux adolescents s’écroulent dans l’épaisse couche neigeuse.
Allongé sur le dos, Shinji tient Asuka dans ses bras, essayant avec terreur d’échapper à la figure menaçante qui les surplombe. Ce n’est qu’après avoir rampé une bonne dizaine de mètres qu'il s’autorise à reprendre son souffle.
*A quoi bon ?*
Il n’ira guère plus loin, il le sait. Fuir en transportant le corps d’Asuka dans cette tempête de neige est un effort dont il se sait physiquement incapable.
Elle ne le permettrait pas de toute façon. N’avait-elle pas réussi à les rattraper alors qu’ils fuyaient tous les deux ?
Non, ils n’ont pas une chance.
Shinji s’affaisse lentement sur le sol, regardant avec tristesse le corps inerte qu’il serre toujours dans ses bras, maudissant sa propre faiblesse.
"Asuka… pardonne-moi, je ne peux rien faire."
Autour d’eux, les flocons de neige tombent toujours, les recouvrant lentement de leur mortel manteau blanc.
Il devine plus qu’il ne voit la créature toujours située devant lui, mais n’ose la regarder en face de peur de tomber à nouveau sous son emprise.
L’appel des sirènes de la ville se fait plus insistant.
Shinji sort de sa torpeur, redressant finalement la tête, prêt à rencontrer son bourreau, mais c’est à un autre visage auquel il doit faire face.
* REI ? *
Une seconde forme vient d’apparaître au côté de la créature qui semble maintenant comme pétrifiée, le regard encore plus vide que précédemment. Une forme dont les traits sont bien ceux de son ancienne coéquipière, mais est-ce réellement elle ?
C’est d’une voix à la fois intriguée et inquiète qu’il l’interpelle.
"Ayanami ?"
…
"Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi est-ce que tu ne réponds pas ?"
…
*
* *
Seul le silence parvient de l’étrange duo qui, toujours énigmatique, n’a pas esquissé le moindre geste.
Ayanami Rei avait toujours été une personne étrange, voire même mystérieuse, jamais cependant elle n’avait dégagé cette impression de danger qui émanait d’elle à présent.
Une impression qui rappelait trop à Shinji celle qu’il avait reconnue dans son cauchemar.
C’est d’une voix amère et désabusée qu’il reprend.
"Tu savais tout depuis le début n’est-ce pas ?"
…
"Alors pourquoi ? Pourquoi avoir fait tout ça ? Tout ça n’est-il qu’un jeu pour toi ?"
…
"Que veux-tu vraiment ?"
À ces mots, la forme physique de Rei Ayanami réagit enfin.
Laissant de côté sa voisine toujours immobile, elle se dirige lentement vers le couple à moitié accroupi dans l’épaisse couche neigeuse. Arrivée à moins d’un mètre d’eux, elle leur tend alors une main secourable puis attend.
Shinji regarde ce bras tendu vers lui, ne sachant que faire.
Il sait ce qui risque de se passer s’il accepte cette main tendue vers lui. Il se souvient de cette étreinte glaciale qui l’avait réveillé avec angoisse, le laissant tremblant sur son lit.
Mais il sait également ce qui se produira fatalement s’ils restent trop longtemps, Asuka et lui, allongés dans cet endroit.
*Asuka…*
Shinji regarde avec inquiétude le corps qu’il serre dans ses bras. Celle-ci n’avait pas fait le moindre mouvement depuis qu’elle s’était interposée entre lui et la créature.
*Est-elle… ?*
Non, c’est impossible, elle devait seulement être inconsciente, il n’envisageait pas la seconde solution, ne voulait même pas y penser. Il ne supporterait pas que tout ceci soit arrivé par sa faute. Il devait faire quelque chose.
Son regard se détache alors lentement du corps inerte pour se fixer de nouveau sur le visage qui lui fait face.
Deux yeux noirs semblent le sonder au plus profond de son âme.
Pourtant malgré le sentiment de danger et de menace que diffuse la créature, il n’y a pas dans ce regard une quelconque trace d’hostilité ou de malice, seulement une froide détermination.
Alors doucement Shinji tend la main à celle qui lui fait face.
"Quelle est sa position ?"
Shigeru : "Toujours la même, Major. La cible n’a pas bougé depuis plus de deux minutes maintenant."
Misato : "Mais qu’est-ce qu’il fait ? Il joue avec nos nerfs ou quoi ?"
Sur la passerelle de commandement du QG de la Nerv, deux hommes insensibles à l'agitation qui règne en dessous d’eux analysent les derniers développements de la situation.
Fuyutsuki : "Ce pic d'énergie détecté au-dessus du cimetière... Il s'agit de Rei n'est-ce pas ?"
Gendo : "Sans doute."
Fuyutsuki : "C'est trop tôt, de plus ce n'est pas ce qui était prévu dans le plan des vieillards. Jamais ils n'accepteront ça !"
Gendo : "Chaque plan possède ses impondérables, professeur. Nous savions tous que cela pouvait se produire, y compris les vieillards de la Seele. De toute façon même si les leurs sont contrariés, cela n’empêche pas les nôtres, ils seront justes en avance.
Fuyutsuki : "Mais est-elle encore contrôlable ?"
Gendo : "Nous allons très vite le savoir."
Sur les écrans géants leur faisant face, le point indiquant la position de l'Ange s'est mis à bouger, indiquant que celui-ci a repris son voyage en direction du Geofront. D'un ton trahissant une angoisse à peine dissimulée, le vice-commandant de la Nerv poursuit.
Fuyutsuki : "Et si ce n’est plus le cas ?"
Le visage du commandant de la Nerv se fend d’un rictus que le professeur ne connaît que trop bien.
Gendo : "Et bien, cher Professeur, je dirai que sans pilotes, nos choix, ainsi que nos espoirs sont plus que limités n’est-ce pas ?"
Fuyutsuki détourne son regard en direction du pont inférieur en frissonnant.
*Est-il inconscient ? Comment peut-il dire une chose pareille ? Ce n'est pas seulement le sort des habitants de cette ville qui se joue ici, mais celle de toute vie humaine sur cette planète si le pire arrive !*
Pourtant, il connaissait bien Ikari Gendo.
Il était sans doute la personne le connaissant le mieux sur cette planète… à part Yui, bien sûr.
Il savait que jamais il ne laissait la moindre chose au hasard.
*Alors pourquoi ce soudain fatalisme ?*
*Non, il y doit y avoir quelque chose d’autre sous cet étrange comportement.*
Sur les écrans de contrôle, les signaux se mettent à clignoter, indiquant que la cible se déplace de nouveau en direction du Geofront.
En son for intérieur, Fuyutsuki se demande s’il n’est pas déjà trop tard.
*Ça va mal.*
Encadré de part et d’autre par trois hommes en noirs qui le conduisaient de plus en plus profondément dans les méandres du Geofront, l’inspecteur Togashi réfléchissait à sa situation présente. Il en avait déjà vécu de pires, des situations où sa vie avait été autrement plus en danger que celle-ci. Cependant dans tous ces autres cas, il avait toujours su qu’il pouvait compter sur une équipe pour le soutenir ou le tirer des mauvais pas, qu’il était du bon côté de la loi.
Bref, tout le contraire de la situation actuelle.
Cela faisait plus de cinq minutes déjà qu’il parcourait en silence les couloirs de la Nerv en compagnie de ses nouveaux 'camarades' et cela commençait sérieusement à lui taper sur les nerfs. C’est pour rompre ce silence malsain et essayer d’en apprendre plus sur la situation qu’il engagea la conversation.
Inspecteur : "Je suppose que vous ne me croirez pas si je vous dis que j’étais à la recherche des toilettes."
…
Inspecteur : "C’est vrai, avec tous ces couloirs on s’y perd un peu, non ?"
…
Inspecteur : "Dites-moi, vous subissez un entraînement spécial pour tirer des tronches pareilles ou la Nerv ne recrute-elle que du personnel atteint de paralysie faciale ?"
Toujours pas de réponse.
Inspecteur : "Franchement, vous devriez…"
"Silence !" Lance l’homme situé à sa droite.
Le petit groupe poursuit sa route un instant, puis se dirige vers un escalier mécanique qui poursuit sa progression dans les profondeurs des installations.
Inspecteur : "Pourrais-je au moins savoir où vous m’emmenez ? Ce n’est pas que je sois pressé de voir se terminer ce voyage effectué en si charmante compagnie, mais…"
La tirade de l’inspecteur est brusquement interrompue par un nouvel individu qui vient d’apparaître en bas des marches. Habillé non plus du sévère costume noir, mais de l’uniforme plus classique des officiers de la Nerv, celui-ci poursuit :
"Décidément, vous êtes encore plus soupe au lait que ne le laissait présager votre réputation. Il n’est pas étonnant que vous changiez d’adjoint tous les ans !"
À ces mots, l’inspecteur marque un imperceptible temps d’arrêt, essayant de dissimuler sa surprise. Une hésitation qui n’a pas échappé à son interlocuteur.
Agent : "Hé oui, Monsieur l’Inspecteur, nous vous surveillons depuis quelque temps déjà. Vous auriez du vous en tenir à votre travail habituel, il y a en effet certaines vieilles affaires qu’il ne fait pas bon ressortir."
Inspecteur : "Mouais, comme la mort d’un inspecteur de police par exemple."
Agent : "Par exemple, oui…"
L’inspecteur s’autorise un léger sourire.
Celui-ci avait l’air un peu plus bavard que les autres. Il ne fallait surtout pas laisser filer une pareille occasion.
Inspecteur : "Mais alors pourquoi ne pas m’avoir arrêté avant ? Vous en aviez les moyens puisque j’étais sous votre surveillance."
Agent : "Comme vous l’avez souligné, nous n’étions présents que comme simples agents de surveillance. Nous n'en avions pas reçu l'ordre. De toute façon, vous n’aviez aucune preuve sérieuse qui nous aurait obligés à intervenir. Aussi, imaginez notre surprise quand nous vous avons vu rentrer comme si de rien n'était dans le Geofront."
L’agent goguenard regarde l’inspecteur du coin de l’œil pour mieux entrevoir sa réaction puis reprend.
Agent : "Alors bien sûr, nous aurions pu vous arrêter à tout instant dés que vous avez mis les pieds dans les locaux. Cependant, le fait que vous ayez pu y pénétrer suppose que vous disposiez de complicité à l’intérieur du personnel, complicité qu’il nous fallait absolument découvrir."
Inspecteur : "Fallait ?"
Agent : "Oui, le nombre d’individus ayant une accréditation suffisante pour falsifier les fichiers des cartes d’accès n'est pas légion, vous savez. D’ailleurs, nous arrivons."
Le groupe marche encore quelques dizaines de secondes avant de s’arrêter à un croisement.
Après environ deux minutes d’attente un autre groupe similaire au leur, les rejoints. Il s’agit de trois hommes en noir accompagnant un individu âgé d’une trentaine d’années. Un individu que l’inspecteur Togashi reconnaît sans peine.
*Ça va mal, ça va vraiment très mal.*
Dans la salle de commandement de la Nerv, l’agitation et l’effervescence ont fait place à un silence mêlé de stupeur et de consternation.
Sur les écrans de la salle de contrôle s’est enfin dévoilée l’apparence du nouvel Ange menaçant Tokyo-3, et qui laisse tout le personnel sans voix.
Maya : "R… REI ?"
Mais seul le bourdonnement des ordinateurs clairement audibles dans ce silence lui répond.
Misato : "Ce n’est pas vrai, c’est… !"
Puis se retournant en direction du pont de commandement.
Misato : "Commandant ! Comment cela est-il possible ?"
Si Gendo Ikari peut clairement sentir la colère dans la véhémence des paroles Misato, celui-ci n’en laisse rien paraître et c’est de son ton calme et habituel qu’il poursuit.
Gendo : "Major, toute considération personnelle est mal placée, nous sommes confrontés ici à un événement potentiellement redoutable, aussi je vous demanderai de reconsidérer la situation."
Misato : "Mais…"
Gendo : "Vous n’êtes pas en mesure d’exiger quoi que ce soit, major Katsuragi. Ceci est une affaire concernant uniquement le département scientifique. Si vous ne pouvez mettre de côté vos sentiments personnels pour y faire face, je me verrai dans l’obligation de confier cette tache à une autre personne. Me suis-je bien fait comprendre ?"
Pendant un instant les deux volontés s’affrontent dans la salle de commandement et tous les regards convergent vers les deux protagonistes. C’est Misato qui la première rompt le silence.
Misato : "Hai !"
Le major se retourne vers les trois opérateurs perplexes, non sans avoir jeté un dernier coup d’œil accusateur en direction du professeur Akagi.
Misato : "Bien, où se situe précisément R… l’Ange ?"
Shigeru : "La… cible est toujours stationnaire devant une des entrées du bloc 23, on dirait qu’elle semble attendre qu’on lui ouvre les portes."
Misato : "Bien, mettez-moi en communication avec elle."
Makoto : "Vous voulez vraiment… ? Enfin, toutes les données indiquent que…"
Misato : "Vous voulez quoi ? L’attaquer ? Avec quel matériel ? Non, inutile de la provoquer."
Makoto (s’exécutant) : "B… bien. "
Misato s’approche puis prend le combiné, les yeux fixés aux écrans de contrôle.
Misato : "Rei… Rei, tu m’entends ?"
Sur la passerelle de commandement, tout le personnel regarde les écrans, retenant leur souffle. À l'extérieur, la neige continue de tomber doucement, procurant une impression irréelle à la scène qui se déroule devant leurs yeux.
La créature n’a pas encore esquissé le moindre signe montrant qu'elle a bien perçu la question, ce qui n'empêche pas le major de poursuivre.
Misato : "Rei, que veux-tu ?"
La réponse ne vient pas immédiatement, mais bientôt une voix inhumaine et plaintive se fait entendre.
Rei : "Laissez-moi entrer."
Surprise à la fois par le ton de la voix ainsi que par cette réponse qu’elle n’espérait pas vraiment, Misato reste un instant interdite, puis reprend de sa voix la plus calme possible.
Misato : "Ce… n’est pas possible Rei."
Rei : "Pourquoi ?"
Misato : "Tu sais pourquoi."
Rei : "Vous avez peur. Peur de mon apparence. Peur que mes actes signent la fin de vos existences."
Misato : "Tous les êtres vivants ont peur de la mort, Rei."
Rei : "Mais vos existences ne sont que souffrance."
Misato : "La vie n’est pas que souffrance. Elle possède également ses bons moments, mais il est impossible de vivre sans jamais souffrir."
La voix de la créature change alors de ton se faisant plus péremptoire.
Rei : "Vous avez tort."
Misato : "Comment ?"
Rei : "Je suis ici pour mettre un terme à cette souffrance."
À ces mots, les appareils du centre de commandement se mettent une nouvelle fois à s’affoler.
Maya : "Les instruments détectent une baisse rapide de la température au niveau des portes d’accès."
Misato : "Quoi ?"
Maya : "Deux cent quarante, deux cent trente, deux cent dix kelvins et ça chute encore."
Misato : "Nous n’avons pas voulu lui ouvrir les portes, alors elle en force l’accès."
Maya : "Cent trente, cent dix, le métal des cloisons se fragilise."
Makoto : "AT-Field en expansion rapide, augmentation de la pression sur les portes d’entrée, elles ne vont pas tenir !"
À la surface le métal torturé des cloisons gémit une dernière fois avant d’exploser en une multitude de morceaux scintillants autour de la créature ailée indifférente. Au-dessus de l’entrée maintenant libérée, celle-ci reste un instant stationnaire puis commence lentement sa descente dans les profondeurs du Geofront.
Une progression que tout le personnel suit sur les écrans de contrôle.
Sur le pont, le commandant de la Nerv prononce les mots fatidiques que Misato ne voulait surtout pas entendre.
Gendo : "Le premier élu n’est plus contrôlable, celui-ci doit maintenant être considérée comme le Treizième Ange. Major Katsuragi prenez toutes les mesures nécessaires pour contrer cette menace."
En contrebas, le Major serre le poing avant de l’abattre sur tableau de commande.
"Merde !"
Ailleurs.
Dans un endroit non limité par les lois de l'espace et du temps, repose la forme d'Ikari Shinji.
L'obscurité l'environne, profonde, insondable, illimitée.
Mais il n'a pas peur.
De toute façon, il préfère cela…
Ici, personne ne viendra lui faire de mal, personne ne viendra lui dire ce qu'il devrait faire, ou l'obliger à agir contre sa volonté.
La solitude, il connaît, il a appris à vivre avec…
Mensonges…
Personne ne peut vivre seul…
Confronté à la perspective d'une solitude éternelle, il s'en rend compte à présent.
Cependant, cela n'avait pas toujours été le cas.
Sa vie avant de venir à la Nerv n'avait pas toujours été désagréable, il aurait très bien pu continuer à vivre ainsi.
Elle était juste calme…
Routinière…
Morne…
Triste.
Et c'était avant…
Avant sa rencontre avec Misato, Rei, Asuka, Toji et tous les autres.
Bien sûr, les débuts avaient été difficiles, il n'avait jamais voulu piloter.
Souvent il avait maudit son sort, ce destin de pilote où il n'avait connu que malheurs et souffrances…
Non…
Pas 'que' malheurs et souffrances.
Quelques joies également.
La fête organisée lors de la promotion de Misato, le sourire de Rei après l'attaque du Cinquième Ange, les félicitations de Misato puis celles de son père suite à l'attaque du Onzième Ange et même cette fameuse semaine passée cloîtrée avec Asuka n'étaient pas de si mauvais souvenirs.
La vie ne pouvait se résumer à une suite de petits bonheurs.
Toujours il y avait ces enchaînements de bonnes et de mauvaises surprises.
Toujours la pluie faisait suite au beau temps.
C'était inévitable…
C'est ce qui faisait le sel de l'existence.
Alors pourquoi ne s'en rendait-il compte que maintenant ?
Ce n'est que par ses relations avec autrui que l'on est vraiment vivant.
C'est par le partage de ses expériences, la confrontation avec l'autre, même si celle-ci est parfois douloureuse, que l'on se construit soi-même, que l'on forge ses opinions et sa personnalité.
Tout ce temps perdu à fuir le regard des autres !
Tout ça pour rien !
Ikari Shinji se recroqueville, ressassant cette dernière pensée, sanglotant…
Ce n'est qu'après un long moment qu'il sent enfin la présence de deux bras entourant son corps.
Sur la passerelle de commandement de la Nerv, l'ambiance ressemble à celle d'une fourmilière atteinte de frénésie ; ce qui ne fait que ressortir de façon plus tranchée, la silhouette apparemment stoïque du major Katsuragi qui regarde fixement les écrans comme hypnotisée par ce qui s'y déroule.
C'est d'une voix troublée qu'elle interpelle l'opérateur prés d'elle.
Misato : "Makoto, quel est l'état de la situation ?"
Makoto : "La… cible descend actuellement par le puits d'accès Nº 23. Sachant qu'elle met environ trente secondes pour forcer une cloison blindée, il ne lui faudra qu'un peu plus d'une dizaine de minutes pour traverser les 22 cloisons la séparant du Geofront."
Misato : "C'est bien peu pour agir. Et le système de défense ?"
Shigeru : "Les lasers des lysosomes n'ont pas pénétré l'AT-Field."
Misato : "Bien sûr, le contraire eut été étonnant. Et sans pilote, il est hors de question d'utiliser les Evas."
À côté d'elle, la voix féminine de l'opératrice se fait alors entendre.
Maya : "Excusez-moi de vous interrompre, major, mais nous pourrions peut-être employer le nouveau système "dummy-plug" récemment mis au point. Après tout, il est conçu pour pallier le manque de pilotes."
Un court silence suit la question de l'opératrice. Puis le regard du major se tourne vers le docteur Akagi.
Celle-ci s'éclaircit un moment la voix avant de se tourner vers son interlocutrice.
Ritsuko : "Ce n'est pas une solution viable. D'une part, ce système n'a encore jamais été testé, d'autre part ce système repose sur une émulation des pensées de Rei afin de faire croire à l'Eva, à la présence d'un pilote. Sachant qui nous attaque maintenant, il est impossible de certifier à 100 % que l'Eva ainsi activée resterait sous notre contrôle."
Ritsuko se retourne vers l'écran de contrôle avant de conclure : "Non, aucune des armes dont nous disposons ne peut l'atteindre. Notre seul espoir est de retrouver les pilotes avant qu'elle n'atteigne le Central Dogma."
Le major l'interrompt, visiblement irrité de ne pas avoir été mis au courant.
Misato : "Le temps est justement ce qui risque de nous faire défaut…"
Puis, se reprenant : "Si seulement nous pouvions au moins trouver un moyen de la retenir…"
Elle s'arrête soudain, une idée germant dans son esprit.
Misato : "Makoto, quelle sera la position de… l'Ange dans trois minutes ?"
Makoto : "Elle vient de forcer la sixième cloison, elle sera donc aux environs du douzième et treizième niveau."
Le chef des opérations tactiques de la Nerv se tourne alors vers ses supérieurs, l'air déterminé.
Misato : "Commandant, je demande l'autorisation de mettre définitivement hors service le puits d'accès numéro 23."
Quelques secondes d'un lourd silence s'écoulent ensuite avant que le commandant de la Nerv ne rende son verdict.
Gendo : "Autorisation accordée. Major Katsuragi, prenez immédiatement les mesures nécessaires."
Le major se retourne vers les trois opérateurs attendant ses directives.
Sur l'écran qui leur fait face, la forme ailée du treizième Ange vient d'éventrer une nouvelle porte blindée.
Ailleurs, sur le bord d'une falaise surplombant les vagues de l'océan, une femme d'à peine une vingtaine d'années regarde fixement le soleil s'abîmant dans les flots. Elle n'est pas émue par le paysage, elle ne le voit pas. Son regard vide ne perçoit aucun élément du décor qui l'entoure. Seuls les tremblements nerveux du bras qui tient fermement une lettre trahissent les sentiments qui la traversent à présent.
De toute façon, il ne l'aimait pas, il le lui avait dit dans cette lettre. Alors, peu importe qu'il sache qu'elle avait rompu tous liens avec sa famille et qu'elle était désormais enceinte de lui.
Il ne reviendrait pas.
Peut-être était-ce même pour cela qu'il était parti.
Non, elle n'avait plus rien à espérer.
Au-dessous d'elle, les vagues qui se brisent au pied de la falaise font entendre leur chant de sirène. Il serait si facile de faire quelques pas et d'en finir avec cette souffrance qui ne la quitte pas. Juste quelques pas… pour être libérée de ce poids.
La jeune femme avance un pied, hésitant, puis deux, avant de se retrouver au bord du gouffre.
Encore un moment et elle sera délivrée. Pourtant, elle s'arrête au dernier instant. Une force inconnue la poussant à se retourner à l'ultime seconde.
C'est alors qu'elle l'aperçoit.
La forme élancée d'une jeune fille qu'elle n'a encore jamais vue. Ses cheveux et ses yeux sont de la même couleur. Ce même bleu profond et apaisant qui semble lui promettre la fin de ses souffrances.
C'est d'ailleurs étrange, il y a un instant encore le poids de tout son passé était écrasant, mais cela n'est plus le cas à présent. Elle n'a rien oublié bien sûr, mais tout ce qu'elle désire dorénavant c'est de se perdre dans ce regard qui semble aspirer sa conscience.
La jeune femme se détourne de la falaise se dirigeant vers la créature qui la regarde toujours fixement.
Ce n'est qu'à quelques mètres l'une de l'autre que l'étrange jeune fille rompt elle-même le contact, son attention semblant être attirée par un point au-delà de l'horizon.
Alors, tout doucement, sa silhouette s'évapore ne laissant qu'une jeune femme atterrée et un cercle de givre sur le sol.
Autour de Misato, les opérateurs s'activent avec nervosité, relayant dans les différentes sections du Geofront les ordres du major. Sur les écrans se détache toujours la forme humanoïde et ailée du Treizième Ange forçant une à une les portes blindées séparant les différents niveaux du Geofront.
Elle n'a plus dit un mot depuis le début de sa descente, mais si les traits de son visage figé ne laissent trahir aucune émotion, son regard luit d'une froide détermination. Un regard qui n'a pas échappé au major Katsuragi, qui, les poings crispés, fixe désespérément l'écran comme pour essayer de ralentir le cours du temps.
Misato : "Où en sont les préparatifs ?"
Makoto : "Toute la bakélite disponible a été acheminée dans les alentours du douzième et quinzième niveau du puits 23."
Maya : "Les conduits latéraux attenants à ces niveaux sont déjà en cours d'obstruction."
Shigeru : "Les portes blindées 13 à 14 sont ouvertes. La cible force actuellement la dixième cloison. Estimation du temps restant avant atteinte du treizième niveau : 68 secondes."
Misato : "Bien, il n'y a plus qu'à attendre."
Dans le Central Dogma, l'atmosphère est lourde et la tension presque palpable. Tout le personnel fixe les écrans, attendant que s'écoulent les secondes fatidiques. Seule la voie de l'opérateur qui commente la progression du Treizième Ange dans le puits brise le silence.
"Cloison numéro dix forcée…Progression de la cible. Attaque de la onzième porte blindée."
"Chute de température et augmentation de pression détectées.
Puis quelques secondes plus tard.
"Cloison numéro onze forcée."
"Descente de la cible, attaque de la douzième cloison.
Misato : "Attention, tenez-vous prêt."
"Douzième cloison éventrée…"
"Progression de la cible à travers le treizième niveau… Treizième niveau franchi."
"Cible en descente dans le quatorzième niveau."
Misato : "Maintenant !"
Shigeru : "Fermeture d'urgence des cloisons treize à quinze."
Makoto : "Injection de la bakélite liquide dans les niveaux douze à seize…"
Quelques secondes s'écoulent avant que Maya ne poursuive.
Maya : "Puits d'accès numéro 23 obstrué."
Tout le personnel retient son souffle en fixant dans un lourd silence, les résultats de l'opération s'inscrivant sur les écrans. Ce n'est qu'après une dizaine de secondes que Magi rend son verdict.
Makoto : "La cible s'est immobilisée entre le quatorzième et le quinzième niveau. Progression de l'Ange stoppée."
Un soupir de soulagement se fait entendre, parcourant l'assistance. Sur la passerelle le Major Katsuragi se détend un instant de la tension accumulée avant de reprendre.
Misato : "Bien, mettons ce répit à profit. Intensifiez la recherche des Childrens, envoyez-y le maximum d’hommes disponibles. Makoto, positionnez toutes nos forces armées à la sortie du puits 23.
Je ne sais pas combien de temps cet artifice va la retenir, mais il vaut mieux se tenir prêt à toutes les éventualités."
Misato se tourne vers les écrans indiquant la forme maintenant immobile au centre de l'écran. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle avait un étrange pressentiment. Se faisait-elle des idées ou bien la température qui régnait sur le pont de commandement était plus fraîche que d'habitude ?
Plus bas dans les profondeurs du Geofront, un groupe d'hommes en noirs encadre et achemine vers une destination inconnue deux hommes à la mine plus que soucieuse.
Le silence règne et n'est troublé que par le bruit de leur pas qui résonne sur le sol métallique.
Togashi : "Et maintenant ?"
L'homme âgé d'une trentaine d'années à son côté ne répond pas immédiatement, semblant hésiter un instant sur l'attitude à adopter, comme s'il ne voulait pas abandonner la réflexion qu'il poursuivait, comme s'il voulait garder son énergie pour autre chose.
Puis se ravisant il répond.
Kaji : "Et maintenant quoi ?"
Togashi : (sarcastique) "Je ne sais pas, vous avez une solution pour sortir de cette situation ?"
Kaji : "Techniquement parlant, c'est de votre faute si nous nous retrouvons dans cette situation, Inspecteur !"
L'inspecteur Togashi rumine la réponse en silence, continuant à marcher entouré de ses anges gardiens.
*Il a raison, tout cela est entièrement de ma faute. J'aurais dû faire plus attention.*
*Comment n'ai-je pas remarqué que j'étais suivi ? Je sais pourtant ce qu'est une filature. J'en ai fait de nombreuses moi-même. J'aurai dû remarquer celle-ci.*
Le policier soupire, amer et résigné.
Sans doute était-il trop vieux pour ce genre d'affaires. Il était grand temps qu'il prenne du repos. Cependant, dans sa situation actuelle, il doutait sérieusement pouvoir atteindre l'âge béni de la retraite.
Perdu dans ses sombres pensées, ce n'est qu'au bout de quelques instants qu'il note que le groupe s’est arrêté devant une lourde porte blindée. Il relève alors la tête dans signe de questionnement silencieux vis-à-vis des agents qui les accompagnent.
Agent : "Messieurs, nous voilà enfin arrivés à vos nouveaux appartements, si vous voulez bien vous donner la peine d’entrer."
Devant eux la lourde porte blindée s’ébranle pour découvrir une cellule d’une vingtaine de mètres carrés comportant deux banquettes.
Togashi (résigné) : *Les bâtiments ont beau être ultra-modernes, certaines choses ne changeront jamais.*
Les deux complices se regardent un instant, immobiles sur le seuil de la cellule.
Ils savent bien qu’une fois à l’intérieur plus rien ne pourra les sauver, mais dans leur dos la pression du canon se fait plus insistante encore. C’est à contrecœur que, d’un pas traînant, ils entrent dans la cellule, attendant que sa lourde porte se referme sur eux.
*
* *
Pourtant, rien ne se produit.
La porte de la cellule reste ouverte et un silence quasi surnaturel a envahi les lieux.
Toujours le dos tourné vers leurs accompagnateurs, les deux hommes restent de marbre, échangeant des regards interrogateurs.
Est-ce un test ? Un piège ? N’attendent-ils qu’une excuse, une tentative d’évasion pour les abattre tous les deux comme des chiens ?
Non, ce serait ridicule, pourquoi les avoirs alors conduit ici et leur avoir fait parcourir tout ce chemin ? Cela n'avait pas de sens !
Les deux hommes attendent encore quelques instants, silencieux et stoïques, n’osant jeter un coup d’œil derrière eux.
Aux alentours, la température ambiante s’est nettement refroidie et à leur pied une fine brume laiteuse envahit doucement le sol de la cellule.
Le silence est soudain brisé par l'écho de plusieurs bruits sourds heurtant le plancher.
Kaji et l’inspecteur Togashi se retournent brusquement, stupéfaits.
Devant eux se tient la silhouette éthérée d’une jeune fille qu’ils leur semblent reconnaître.
Habillée d’un kimono blanc, ses pieds semblent à peine toucher le sol.
Face à elle gisent déjà les corps de deux agents de la sécurité qui se sont écroulés au sol tels des marionnettes aux fils coupés.
Mais ce n'est pas la scène — si irréelle soit-elle — qui terrifie les deux hommes, ni le fait que la créature n’exprime sur son visage d’albâtre aucune émotion.
Non ce qui les stupéfie, c’est l’attitude des trois agents de sécurité encore debout qui, bien qu’ayant dégainé leurs armes en direction de la créature, semblent incapables d’appuyer sur la détente.
Kaji : "Qu’est-ce que c’est que ça ?"
Togashi : "C’est ce vous avez cherché, le contenu de la disquette, le véritable but du commandant Gendo Ikari."
Kaji : "Quoi ?"
Kaji fixe un court instant l’inspecteur, cherchant une réponse à sa question, mais celui-ci reste immobile regardant toujours la scène qui se déroule devant leurs yeux.
Imperceptiblement, la créature s’est rapprochée des trois agents de sécurité encore valides et toujours immobiles. Rien dans leur attitude ne trahit un quelconque sentiment de panique ou même une simple appréhension.
Sauf peut-être leur regard.
Le regard d’un homme qui sait qu’il voit la mort en face.
La créature s’avance encore d’un pas, étendant son bras, effleurant l’agent qui lui fait face.
Une seconde plus tard, celui-ci s’effondre au sol comme un sac de son, laissant glisser à terre l’arme qu’il tenait.
Un fait qui n’échappe ni à l’inspecteur, ni à Kaji qui n’a pas attendu la fin de l’action pour analyser la situation et réagir.
D'un bond, il se glisse au sol, son esprit entièrement concentré sur le pistolet, et s’en saisit. L’instant d’après le canon de l’arme est pointé sur la forme vaporeuse qui n’a toujours pas bougé depuis sa dernière action.
Puis, un coup de feu retentit.
Insensible à l'agitation qui régnait autour de lui, l'homme ganté de blanc et vêtu de noir, regardait avec attention les écrans devant ses yeux.
Rien ne parvenait à troubler son attitude calme et posée, même si, extérieurement, un observateur attentif pouvait observer un léger tressautement de sa lèvre supérieure. Un mouvement que tout un chacun pourrait identifier comme étant celui d'un sentiment bien connu.
L'impatience.
Cela paraissait inimaginable puisque ce sentiment avait disparu de sa vie comme tous les autres d'ailleurs, il y avait dix ans de cela maintenant.
Dix ans !
Dix longues années à soigneusement planifier les évènements qui se déroulaient devant ses yeux.
Dix ans à utiliser les manques affectifs du docteur Akagi, les sentiments de culpabilité refoulés du major Katsuragi, les liens et les ressemblances entre Rei, Shinji et sa mère défunte. Dix ans pour en arriver à ce point précis !
Caché derrière ses mains, le commandant de la Nerv laissa poindre un petit sourire satisfait.
Plus rien ne pouvait empêcher la suite des évènements à présent. L'apparition de Rei sous sa nouvelle forme s'était pourtant produite bien plus tôt que prévu initialement, et, inconsciemment, cet imprévu qui avait bien failli ruiner tout le plan le tourmentait un peu.
La disparition des AT-Fields individuels afin de fusionner l'humanité n'était pas ce qu'il recherchait.
Seuls des fanatiques comme les vieillards de la Seele pouvaient souhaiter cela.
C'était ridicule, la conscience de soi n'existait que grâce au miroir de nous même que nous renvoyaient les autres. Par conséquent, la disparition d'autrui conduisait inévitablement à la disparition de la conscience.
Il devait absolument empêcher Lilith d'effectuer la fusion de toutes les âmes humaines. Cependant, il doutait fort que Rei, même sous cette forme, puisse contrer la volonté de Lilith lorsque leur réunion s'effectuerait.
Il fallait d'autres volontés…
Il fallait obliger Rei à développer son pouvoir, à rallier à elle toutes ses 'semblables', car seule la réunion de toutes ces personnalités pourrait supplanter la volonté de Lilith.
Et cela avait failli ne pas se produire par faute d'une opposition inconséquente.
Le commandant Gendo Ikari se laissa légèrement aller dans son fauteuil d'un air détendu.
Heureusement pour lui le major Katsuragi était une femme pleine de ressources.
Sur les écrans qui lui faisaient face, des centaines de points lumineux venaient d'apparaître.
Une odeur de poudre brûlée emplit l'air
Un silence seulement troublé par l’écho d'une détonation qui se répercute le long des murs d'un couloir.
Là où encore une minute auparavant se tenait les silhouettes d'une jeune fille et de deux prisonniers entourés de leurs geôliers respectifs, seules quatre silhouettes sont encore debout.
Immobiles.
Comme prostrées devant les événements surnaturels qui viennent de se produire devant leurs yeux.
C’est l’inspecteur qui le premier rompt le silence.
Togashi : "Disparue… Comme un banc de brume face à un vent violent… Incroyable !"
Kaji : "Oui…Aussi incroyable que son apparition au cœur même du Geofront…Comment cela a-t-il pu se produire ?"
Puis, se reprenant, en direction des agents de la sécurité toujours hébétés.
Kaji : "Bien. Messieurs, si voulez bien lâcher vos armes et les poser tout doucement à terre. Oui, voilà, comme ça. Inspecteur, vous voulez bien les ramasser s'il vous plaît ?"
Pendant que l’inspecteur s’exécute, Kaji fait signe subrepticement, aux agents encore valides de bien vouloir se donner la peine d'occuper la cellule, et bientôt la lourde porte se referme sur eux.
Kaji : "Voilà une bonne chose de faite !"
Puis s’adressant à l’inspecteur.
Kaji : "Comment vont-ils ?"
L’inspecteur qui s’était penché sur l’une des formes allongées, relève la tête perplexe.
Togashi : "Je ne sais pas, je dirai morts si nous étions dans des circonstances normales, mais là… Quoi qu'il en soit, nous ferions mieux de partir d’ici au plus vite si nous ne voulons pas subir le même sort."
Kaji acquiesce en silence l’invitant à le suivre rapidement vers l’entrée de l’ascenseur le plus proche.
Les portes coulissent silencieusement, invitant les deux hommes à entrer dans la cabine exiguë.
La remontée est aussi rapide que le silence est pesant.
Kaji : "Qu’est-ce que c’était."
Togashi : "…Je ne sais pas… L’ange de la mort, un vampire, une force naturelle, l’incarnation de notre désespoir, le soulagement pour ceux qui souffrent, tout ça à la fois, je ne sais vraiment pas quoi dire."
L’officier de la Nerv regarde un instant l’inspecteur, cherchant un quelconque sens à ces paroles, mais voyant celui-ci aussi perturbé que lui-même, il n’insiste pas et reprend son air soucieux et concentré.
Une petite sonnerie retentit indiquant que l’ascenseur s’est arrêté à l’étage demandé, et de nouveau les portes coulissent sans bruit.
Devant eux, dans la mer de brume qui a envahi le hall et qui recouvre à moitié les dizaines de corps allongés, plusieurs formes éthérées aux cheveux bleus se sont retournées.
UN CAUCHEMAR !
C’était sans doute cela.
Ce qu’il voyait devant ses yeux n’avait pas pu se produire, ne pouvait pas se produire !
Surplombant la scène du haut de la passerelle de commandement, le professeur Fuyutsuki contemple, atterré, les derniers membres du personnel succomber à l’étreinte des êtres diaphanes, tandis que sur les écrans de contrôle, le piège de bakélite emprisonnant le Treizième Ange commence à se fissurer.
Les échos sourds et sinistres des derniers corps qui s’effondrent sur le sol froid résonnent encore dans la pièce, quand le professeur Fuyutsuki se retourne face à l’homme par qui le désastre est arrivé.
Fuyutsuki : "Pourquoi ?"
Gendo : "Pourquoi ? Mais pour la survie de l’espèce humaine."
Une bouffée de colère l'envahit.
Fuyutsuki : "LA SURVIE ? COMMENT OSEZ-VOUS PARLER DE SURVIE ? NE VOYEZ-VOUS PAS CE QUE VOUS ÊTES EN TRAIN DE FAIRE ?"
L’homme ganté de blanc, s’éclaircit un moment la voix, comme un maître face à un élève peu doué, cherchant un instant ses mots avant de reprendre d’une voix claire et posée.
Gendo : "Professeur, ne le voyez-vous pas comme moi ? L’espèce humaine court à sa ruine.
Cela fait plusieurs milliers d’années que l’Homme est sorti de ses cavernes et qu’a-t-il accompli depuis ce temps ?
Rien, sinon une autre guerre, une autre bataille.
La guerre reste pour lui un jeu, où il défoule ses instincts les plus primaires. Au lieu de se laisser guider par la raison, la cupidité, l’envie et la colère dirigent le monde.
Mais tout va changer maintenant."
Le professeur Fuyutsuki recule d’un pas visiblement décontenancé.
Le commandant Ikari n’avait jamais été quelqu’un d’extraverti, jamais cependant il n’avait senti dans le ton de sa voix une détermination aussi froide et résolue qu’aujourd’hui.
Contenant son appréhension, le vice commandant de la Nerv regarde au nouveau fixement son vis-à-vis, pensif.
*Depuis quand a-t-il tout planifié ? Son but n’était donc pas de délivrer Yui ? Que cherchait-il vraiment ?*
Plus bas, les derniers soupirs se sont échappés et le silence règne de nouveau en maître sur la passerelle de commandement. Bientôt la silhouette d’une jeune fille aux cheveux bleus se matérialise derrière la forme du commandant Ikari et s’avance vers eux.
Fuyutsuki recule d’un nouveau pas, terrifié, avant de se rendre compte qu’il est adossé à la rambarde.
*Est-il vraiment fou ? Comment peut-il espérer survivre ? Il sait pourtant bien de quoi ces créatures sont capables.*
L'être erratique s’avance toujours imperturbable, arrivant pratiquement au niveau du commandant de la Nerv.
Puis, l’ayant atteint, il continue sa route comme s'il n’avait pas remarqué sa présence.
"C’est impossib…"
Mais il est trop tard, le piège de saphir de la jeune fille s’est déjà refermé sur l’esprit de Fuyutsuki.
Et lorsque, quelques secondes après, une torpeur mortelle et glacée l’envahit, on peut lire sur visage de ce dernier les traits de quelqu’un qui a enfin compris.
À la surface la tempête qui faisait rage s'est brusquement dissipée. Le vent qui soufflait en rafales charriant d'énormes bourrasques de neige, a fait place à une simple brise qui soulève à peine les flocons recouvrant en partie la forme des deux adolescents enlacés.
Si sur le visage de la jeune fille on peut lire un étrange mélange de stupeur et de détermination, celui du jeune garçon est serein, un énigmatique sourire semblant le parcourir.
Au loin, des profondeurs de la Terre jaillissent les formes évanescentes d'une multitude de jeunes filles rayonnantes d'une lueur froide et bleutée.
Notes :
Sinemurien :
Oui je sais, plus de trois ans, j’ai été très long à écrire ce chapitre, désolé.
Ne me demandez pas pourquoi je ne sais pas, d’ailleurs ce chapitre ne me plaît que moyennement, j’ai en effet hésité sur pas mal de dialogue et d’actions possibles sans que ceux-ci ne me satisfassent non plus.
Bof, bof, bof.
Mais bon il faut bien produire quelque chose alors voilà.
Car je n’abandonne jamais un travail que j’ai commencé.
J'ai suffisamment pesté sur les auteurs qui commençaient une histoire sans jamais la finir, pour ne pas vouloir tomber dans le même travers.
Donc, même si le récit ne vous intéresse plus, ne serai-ce que par respect pour le lecteur, je vous donne rendez-vous (enfin pour ceux qui lisent encore cette histoire) pour le huitième et dernier chapitre : "Moissonneuses d’âmes".
QCTX :
Pour ma part, je tiens à préciser que je suis extrêmement fier de pouvoir vous proposer ce chapitre. Pour une fois, une fanfic que beaucoup considéraient – pas complètement à tort – comme morte, est revenue à la vie. Et surtout, les chapitres de cette fanfic révèlent à mes yeux une évolution énorme dans la façon d'aider les auteurs à écrire leurs fanfics. D'abord parce qu'à partir du second chapitre, j'ai fait partie du FRAG, et ensuite parce qu'avant la correction de ce chapitre un des documents les plus importants pour l'écriture d'un tel projet a été traduit par SCURRA et votre serviteur. Je veux parler bien entendu du "HOWTO make a fanfic" qui – je l'espère – va favoriser l'émergence de nouveaux textes d'une plus grande richesse. Comment ? Oui, c'est de la pub gratuite, et alors ?
Pour toutes flammes, insultes, injures et autres critiques constructives, n'hésitez pas à nous écrire.
Vos serviteurs :Sinemurien et QCTX.