Oracles

ou De la valeur d’une Prophétie

Genre : One-shot
Side-story

Par Sinemurien
Retool QCTX


Avant-propos :
Cette histoire ne contient ni romance, ni tristesse, ni action.
Il s’agit simplement d’une petite histoire sans prétention, écrite un soir de mélancolie.
J’espère qu’elle saura vous divertir, comme elle m’a diverti moi-même.

Tous les personnages de Card Captor Sakura sont la propriété du studio CLAMP.
Les noms originaux des personnages ont été conservés.
Les pensées des personnages sont en italique.


.Jetté de pierres

Les pierres ne mentent jamais

Il fallait simplement savoir les interpréter, et à cet exercice, elle était de loin la meilleure. Elle les avait relancées plusieurs fois avant de lui confier cette mission, et à chaque fois le résultat avait été le même. Elle ne pouvait s’être trompée.

Les pierres ne mentent jamais.

Et pourtant ! !

Le regard de la vieille femme se posait longuement sur la forme agenouillée devant elle.

Elle était la doyenne du Clan LI et elle se devait de prendre une décision.

"Shaolan Li" commença-t-elle.

"Tu as été envoyé au Japon afin de réclamer ce qui revenait de droit à notre Clan, notre légitime héritage. Parle devant le Clan, quelles nouvelles nous apportes-tu ?"

Le jeune homme se releva, l’air apparemment troublé. C’est pourtant d’une voix claire qu’il annonça devant les membres du Clan rassemblés autour de lui les résultats de son voyage.

"Anciens vénérés… J’ai échoué."

Un tollé d’indignation monta immédiatement de l’assistance.

"Je vous l’avais dis," lançât une voix à la gauche de Shaolan. "C’était une folie de choisir un garçon aussi jeune pour une mission aussi importante," répondit une voix à sa droite.

Pendant plusieurs secondes encore le brouhaha de voix retentit, puis, peu à peu, celui-ci se calma sous les injonctions de la vieille femme. Celle-ci s’adressa alors une nouvelle fois au jeune homme qui avait repris sa position agenouillée.

"Peux-tu nous expliquer les raisons de ton échec ?"

Le jeune homme se mordit légèrement la lèvre supérieure.

Que dire ?

Comment leur expliquer que le jeu avait été faussé dés le début ? Que Clow Reed avait déjà choisi son successeur avant même sa mort et avait déjà tout préparé pour permettre son succès !

Et même si cela n’avait pas été le cas, aurait-il pu faire quelque chose ? N’avait-il pas échoué devant Yue ? Force lui était de constater que les pouvoirs de Sakura s’étaient développés de façon prodigieuse et qu’ils étaient devenus bien supérieurs aux siens. Elle méritait sans conteste le titre de maîtresse des cartes de Clow.

Sakura...

Quand pourrait-il de nouveau la revoir ?

Quand il était parti pour le Japon, ses objectifs étaient simples : localiser les artefacts, les ramener au sein du clan et prouver ainsi à tous que sa place de futur leader du clan n’était pas usurpée.

Comme il était loin de ces objectifs à présent.

Oui, il avait échoué, mais il ne regrettait rien sauf peut-être d’être parti sans lui donner d’explications.

Il lui avait fait promettre de l’attendre, il lui avait dit qu’il reviendrait dès que ses obligations à Hong Kong seraient remplies.

Shaolan esquissa un sourire sans joie en regardant l’aréopage rassemblé autour de lui.

Mes obligations…

Des obligations qui pourraient bien l’empêcher de la revoir à tout jamais.

Pouvait-il leur expliquer le lien qu’ils partageaient à présent ? Non certainement pas.

Non seulement, il serait accusé de traîtrise, ce qui jetterait le déshonneur sur sa famille, mais cela mettrait également sa vie en danger.

Il connaissait bien la soif de pouvoir qui animait certains membres du Clan, et même si avec le temps celle-ci s’était adoucie, certains membres restaient très vindicatifs.

Il comprenait mieux maintenant pourquoi Clow Reed avait fui la Chine pour le Japon.

Mieux valait les laisser dans l’ignorance de ce qui s’était réellement produit.

Il encourrait seul le châtiment.

"Alors, Shaolan Li, nous attendons ta réponse," répéta la vieille femme.

"Je n’ai aucune excuse, vénérés anciens, je n’ai pas été à la hauteur de vos espérances et je n’ai pas réussi à capturer les cartes de Clow. Je suis prêt à subir le châtiment qui m’est réservé."

La vieille femme soupira de dépit.

Elle aimait bien ce jeune homme. Après tout, non seulement il s’agissait de son petit-fils, mais en plus, elle avait fondé de grands espoirs sur lui. Aucun enfant depuis plusieurs générations ne s’était montré aussi doué pour les arts mystiques. Secrètement, elle avait espéré que celui-ci serrait à la hauteur de la tâche qui lui incombait.

C’est sans doute pour cela que je n’ai pas réussi à interpréter correctement le message des pierres sacrées.

La vieille femme prit une profonde inspiration.

Shaolan se raidit, attendant le verdict.

Les châtiments du Clan pouvaient être très sévères.

Cela pouvait aller des châtiments corporels, à l’exil définitif, voire même à un rituel qui le dépouillerait de ses capacités magiques si l’on estimait que son crime était vraiment grave.

"Shaolan Li, vous avez échoué dans la mission qui vous avait été assignée. Sans doute ai-je moi-même une part de responsabilité dans ce qui est arrivé, en interprétant mal les oracles qui prédisaient que vous rapporteriez les cartes de Clow."

"Aussi, pour cela et en raison de votre jeune âge, votre châtiment sera adouci."

Shaolan redressa légèrement la tête et se mit à espérer.

"Shaolan Li, vous êtes condamné à passer les trois prochaines années de votre vie reclus au monastère des Monts Brumeux. Là-bas, vous vous y entraînerez et vous y perfectionnerez tous les arts qui vous ont fait si cruellement défaut. Préparez vos affaires, vous partez dès demain."

Il accusa le choc un instant.

Trois ans ! !

Trois ans sans la revoir, sans voir son sourire, sans pouvoir la sentir à son côté. L’attendrait-elle tout ce temps ?

Il déglutit avec peine en se remettant debout.

Sa voix était devenue un peu plus rauque à présent.

"Bien, je sors me préparer."

Et il quitta la pièce sous le regard inquisiteur des membres du Clan.

Salle du conseil

Plus tard dans la soirée.

Dans une chambre sombre s’ouvrant sur un jardin magnifiquement entretenu, une silhouette s’affaire sur un sac de voyage. Préoccupée par de sombres pensées, elle ne détecte pas immédiatement la présence d’un autre occupant qui vient d’arriver.

Surpris le jeune garçon sursaute un bref instant.

"HA ! Ex… Excusez-moi, vénérée…"

"Pas de ça avec moi, mon garçon. Nous sommes entre nous. Ne peux-tu pas m’appeler par le nom que tu me donnais autrefois ? Ai-je tellement changé ?"

"Par… Pardon, grand-mère."

"Bien, c’est plus convivial ainsi, tu ne penses pas ?"

Shaolan acquiesça en silence.

La vieille femme s’assit en regardant son petit-fils ranger ses affaires d’un air triste.

Elle avait failli, et son petit-fils en payait aujourd’hui le prix. Comment avait-on pu exiger une telle tache de cet enfant ?

Qu’avons-nous fait de lui ? Depuis sa naissance nous lui en demandons tant. Il a toujours fait de son mieux pour nous satisfaire, et maintenant, comment le remercions-nous ?

Elle aurait, dans des cas semblables auparavant, cherché les réponses à ses questions dans les oracles, mais depuis cette affaire, elle avait perdu confiance en elle.

Peut-être commençait-elle à se faire trop vieille pour cela ? Peut-être était-il temps de passer la main à un successeur ? Et c’est ce qui avait motivé sa décision de cet après-midi.

"Shaolan ?"

"Oui, grand-mère ?"

"Shaolan, je suis désolée de ce qui s’est produit."

"Tu n’y es pour rien grand-mère"

Un silence pesant s’installa, pendant que Shaolan l’air toujours impassible et froid, continuait de ranger ses affaires.

Une minute passa ainsi, puis la vieille femme reprit la parole.

"Shaolan, qu’est-ce qui te tracasse ?"

"Rien, grand-mère, tout va bien, je t’assure."

"Ne me mens pas, veux-tu. Tu sais que je suis capable de savoir quand quelqu’un me ment."

Shaolan soupira d’un air résigné.

C’était vrai, de tous les membres du Clan, c’était elle qui avait le plus de discernement. C’était d’ailleurs pour cela qu’on l’avait mise au poste des oracles.

Qu’allait-il lui dire ?

Il ne pouvait décemment pas lui dire que lui, le futur chef du Clan Li était tombé amoureux de leur ennemie. Que penserait-on de lui ? À coup sûr, il serait accusé de trahison, d’avoir délibérément favorisé Sakura dans la course aux cartes de Clow, ce qui était un crime autrement plus grave que le simple échec.

Il ne la reverrait alors sans doute jamais

Cabane

Que dire ? Peut-être qu’en ne disant qu’une partie de la vérité…

Shaolan regarda sa grand-mère, d’un air apparemment détendu.

"J’ai rencontré quelqu’un au Japon, grand-mère."

"Ha ! ? Et comment s’appelle-t-elle ?"

"Comment sais-tu qu’il s’agit d’une fille ?"

"Voyons, mon cher petit-fils, toi qui es d’ordinaire si calme et posé, rien qu’au son de ta voix et à ton attitude, je peux voir qu’il s’agit de quelqu’un auquel tu tiens beaucoup, n’est-ce pas ?"

Une légère rougeur lui montait au visage. On ne pouvait décidément rien lui cacher.

"Et c’est à son propos que tu es inquiet ?"

"Oui," avoua-t-il dans un souffle.

"Pourquoi ?"

"J’ai peur de ne plus jamais la revoir."

"Pour quelle raison ?"

Il fit une pause puis avala sa salive. C’était maintenant qu’il fallait se montrer subtil.

"J’ai peur qu’elle n’attende pas mon retour."

Sa grand-mère baissa légèrement la tête.

Elle savait à quoi son petit-fils faisait allusion puisqu’elle était elle-même responsable de cette situation.

Shaolan retint son souffle.

Sa ruse avait-elle fonctionné ?

Après une dizaine de secondes de silence, la vieille femme reprit la parole.

"Je suis désolée, c’est encore à cause de moi que tu es dans cette situation."

Il soupira intérieurement.

"Aimerais-tu que je consulte les pierres sur ce sujet ?"

Shaolan resta un moment interdit, ne sachant quoi dire.

Et si les pierres confirmaient ses craintes, que ferait-il ? Irait-il jusqu’à désobéir aux lois du Clan pour s’enfuir et la retrouver ?

"D’accord," finit-il par annoncer.

La vieille femme prit les pierres gravées de runes qu’elle conservait toujours à ses côtés, déplia un foulard noir devant elle et pria un instant les augures de bien vouloir lui être favorables.

Le jeune homme pendant ce temps s’était approché, l’air à la fois anxieux et plein d’espoir.

La vieille femme d’un geste sec, lança les pierres sur le foulard placé devant elle.

Elle regarda pendant un instant leur disposition, la couleur des runes découvertes avant d’afficher un sourire satisfait.

"Soit sans inquiétudes, mon petit-fils," commença-t-elle.

"Celle à qui tu as donné ton cœur est quelqu’un d’exceptionnel, et rien qu’avec ceci je peux te dire que…"

La vieille femme s’arrêta soudain d’un seul coup.

Non, c’est impossible, et pourtant...

Elle connaissait bien cette configuration de symboles, cet arrangement si particulier, c’était sensiblement la même chose que la nuit ou elle avait décidé d’envoyer son petit-fils à la quête des cartes de Clow. Dans ce cas, cela ne pouvait signifier qu’une seule chose

Shaolan était devenu blême. Qu’avait donc vu sa grand-mère dans les pierres ? Son cœur faillit manquer un battement quand il entend la question fatidique.

"Shaolan, qui est vraiment cette jeune fille ? Comment s’appelle-t-elle ? Que faisais-tu avec elle ?"

Elle savait. C’était fini, il avait perdu, tout perdu, son univers entier s’écroulait.

Une dizaine de secondes s’écoula encore avant qu’il ne puisse formuler une réponse. C’est le visage livide et d’une voix d'outre-tombe qu’il annonça.

"Elle s’appelle Sakura Kinomoto, et c’est…" il prit une profonde inspiration avant de conclure : "…c’est la nouvelle maîtresse des cartes magiques de Clow."

Voilà, tout était dit. Il n’avait plu qu’à attendre son destin.

Les secondes passèrent...

...longues...

...angoissantes...

...interminables.

Puis un bruit se fit entendre, faible d’abord, il s’enfla bientôt en un grondement tonitruant.

Un éclat de rire tonitruant.

C’est en effet sa grand-mère qui devant ses yeux ébahis riait aux éclats de l’ironie de la situation.

Car elle avait enfin compris.

Son petit-fils n’avait pas échoué.

Il a bien réussi ramener les cartes de Clow au sein de la famille Li.

Même si ce n’était pas de la façon dont elle l’avait pensé au premier abord.

"Sakura Li… !" Dit-elle dans un souffle à peine audible, "quel nom charmant."

Shaolan, lui n’en revenait pas. Il ne comprenait pas ; il s’était bien attendu à tout sauf à cela. C’était d’un air incrédule qu’il regardait sa grand-mère s’approcher de lui, un sourire illuminant son visage.

"Ne t’inquiète plus. Comme je te le disais, cette personne est exceptionnelle. Elle saura t’attendre durant toutes ces années."

"Crois-moi, tu peux me faire confiance."

Et d’un sourire plein de malice elle ajouta.

"Les pierres ne mentent jamais…

…même si on a parfois du mal à les interpréter."

Tori

Notes de l’auteur :

Pourquoi ce texte ?

Et bien c’est en premier lieu pour changer un peu de style (un défi en quelque sorte), pour voir si j’étais capable d’écrire autre chose que du Dark, s’essayer à quelque chose s’apparentant plutôt à la romance sans être du WAFFy pur jus (bon mon avis personnel, c’est que cet objectif n’est pas vraiment réussi et que le récit reste encore assez sombre, même s’il finit bien ; on ne se refait pas).

Ce qui m’a fait prendre conscience d’une chose ; qu’il était très difficile (en tout cas pour moi) d’écrire une histoire basée uniquement sur les sentiments des personnages. Car si l'on regarde bien, que se passe-t-il dans cette histoire ? Et bien rien, ou en tout cas pas grand chose, mais n’est-ce pas là toute la difficulté de ce style ?

Mais pourquoi avoir écrit une histoire sur un truc aussi sirupeux que Card Captor (dixit mon pré-lecteur) ?

Et bien tout simplement parce que je ne me sentais pas capable de faire du sentiment avec un truc aussi sombre qu’Evangelion et que pour une histoire plus légère il me fallait également une série plus enjouée.

Personnellement, Card Captor Sakura est loin d’être mon dessin animé préféré. Mais à l'occasion, il peut être divertissant. C’est frais, léger et pas du tout prise de tête avec plein de jolis sentiments (hein, QCTX !).

En fait, cette histoire a été basée sur deux questions principales :

  1. Pourquoi envoyer un garçon d’une dizaine d’années sur une mission aussi importante ? (Ben oui, vous ne trouvez pas ça étrange, qu’une organisation à la recherche du pouvoir envoie un enfant plutôt qu’un adulte pour ce genre de mission ?)
  2. Pourquoi ce cher Shaolan ne revient-il auprès de sa dulcinée que plusieurs années plus tard au risque qu’elle l’ait oublié, l’ai remplacé par un autre, ou quoi d’autre encore ? Franchement quand une personne a trouvé la perle rare, on ne la laisse pas loin de soi, mais on la garde à son côté.

J’espère que cette modeste histoire aura apporté une réponse à ces deux questions.

P.-S. : Je remercie l’aimable collaboration de mon pré-lecteur qui a beaucoup souffert durant l’élaboration de ce texte (et qui ne s’est pas privé de me le faire savoir).

Sinemurien


Notes du Retooleur :

"Quelle horreur ! Mais qu'est-ce que c'est que ce truc minable et suintant… !"

C'est immédiatement l'expression qui m'est venue à l'esprit la première fois que j'ai lu ce texte. Ben oui, moi j'aime pas CSS. Je trouve ça horriblement trop sucré, trop doux, trop gentil, trop WAFFy…

Bref, ça me rend malade rien que de voir qu'on peut utiliser une saleté pareille. Et pour tout vous dire, j'en suis presque venu à insulter Sinemurien. C'est vous dire si la correction de ce one-shot a été orageuse…

Bon, je m'arrête ici, parce qu'il faut dire que j'ai depuis révisé mon jugement. Notamment lors de ma dernière traduction d'Axel T. "Just a Child…" sur Evangelion. En clair, si vous êtes fan d'action, de dark fics, de baston ou tout simplement, si vous souhaitez trouver un minimum de réalisme dans les fanfics, ne lisez pas ces deux titres. Comment ça trop tard ? Hoooo, meeeerde !

Autre chose. Sinemurien vient de vous expliquer qu'il lisait ce genre de texte lorsqu'il avait un coup de blues. Pourquoi pas. Moi j'appliquerais plutôt la solution inverse : une bonne histoire bien dépressive, où le héros se tord de douleur à la fin du texte en suppliant que ça s'arrête, et je me sens tout de suite beaucoup mieux . Savoir qu'il y a des gens qui souffrent beaucoup plus que moi à certains moments de la vie, me soulage. Finalement, ma vie à moi est bien moins pourrie que ce que je ne me l'imaginais, et je retrouve le sourire. Chacun son truc.

Bref, faut pas croire non plus que j'ai la solution ultime, en cas de déprime, vous pouvez appliquer la solution de votre choix, je ne me sentirais absolument pas responsable du résultat.

qc